Ni gaulliste, ni républicain

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Nous ne sommes plus à une contradiction près avec le Front national. Se revendiquer du gaullisme au FN revient à se féliciter de l’approche de Noël quand on est une dinde. Tout oppose les origines du Front national avec le gaullisme. Et tout oppose le Front national et le gaullisme tel que nous devons le porter et le défendre en 2015.

De nos origines gaullistes, nous retenons la vision d’une France libre et forte. Une conception contemporaine du gaullisme appelle une France au sein de l’Union européenne. Le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 ne signe pas le retrait de la France de la Communauté économique européenne (CEE). Il annonce le retour d’une France exigeante avec ses partenaires européens, et en premier lieu à travers la réconciliation franco-allemande. Les engagements européens de la France doivent repris par les gaullistes car il s’agit bien du niveau de décision le plus approprié pour continuer à être fier d’être Français. Les fondateurs du Front national s’étaient tous opposés à la pensée gaullienne, qu’elle soit européenne ou républicaine.

Les différentes confusions entretenues sciemment par Marine le Pen ne doivent pas tromper les Français sur l’incohérence des idées cohabitant au sein du FN. Sur la laïcité, la nouvelle « doctrine religieuse » du FN met à mal notre conception républicaine qui a permis à la France de devenir un phare dans l’obscurantisme mondial.

Le Front national ne doit pas seulement être critiqué pour son programme économique : cela attesterait de notre défaite et de notre lâcheté. Défaite, parce qu’il aurait réussi à devenir un parti comme un autre. Lâcheté, car nous aurions abandonné l’espace public à cette éternelle politique de la défiance. D’un programme libéral à un interventionnisme exacerbé, le FN passe tour à tour d’un monstre désincarné à une conception hasardeuse de l’Etat sans réelle définition. Le déni républicain, par la peine de mort, par la suppression du droit du sol, est évident. La demande incessante d’une dose de proportionnelle aux élections législatives consacre la dénégation des institutions de la Ve République par un retour à l’instabilité de la IVe République. Ces propositions marquent la vision profondément passéiste du FN.

Sur les thèmes historiques de l’extrême droite (dénonciation des élites, de la mondialisation, de l’islamisme…), les cadres du parti ont-ils réellement changé ? Louis Aliot continuera-t-il à rendre hommage à Jean-Marie Bastien-Thiry, l’auteur de l’attentat du Petit-Clamart en 1962, et se revendiquer gaulliste ? Il ne s’agit pas de nostalgiques du pétainisme comme la plupart des amis de Jean-Marie le Pen, mais de proches de Marine le Pen. Entre Florian Philippot, chevènementiste des années 70, et les délires pro-russes d’Aymeric Chauprade : aucune vision cohérente de la France.

On ne répétera jamais assez que la tentation nationale-populiste qui anime le FN est non seulement dangereuse mais impropre au monde qui est le nôtre. Dans un environnement bouleversé par des changements à grande échelle, un monde rodé aux échanges rapides et mouvants, aux habitudes nouvelles et immédiatement obsolètes, en un mot, un monde neuf, le repli des castes identitaires est une pensée arriérée et relève de la facilité. Mais la politique que nous avons à mener dans un tel monde n’est pas celle des illusions ou de la manipulation de frayeurs. C’est celle du rassemblement, de l’engagement et de l’action. Les Français doivent soumettre ces défis aux partis politiques avec l’exigence de réponses appropriées.

Tribune de Rudolph Granier dans l’Opinion le 24 février 2015.

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